Paris Noir by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782365330022
Google: OAzmAgAAQBAJ
Éditeur: Asphalte
Publié: 2014-03-11T23:00:00+00:00

Le pépé était aussi intarissable que son gosier. On en a appris un wagon sur ce qu’il appelait « la place des Vioques ». Il connaissait tout le monde. Et notamment Zatopek. Qui s’appelait, en vrai, monsieur Girard, c’était marqué sur sa boîte à lettres. Mais jamais il n’avait copiné avec ce vieux fou, un retraité de la SNCF, ça devait être pour ça qu’il cavalait toute la journée, c’était sûr, il se prenait pour une locomotive. Il n’y avait que la vieille Marthe, celle qui sortait les poubelles, qui parvenait à lui parler et faisait quelquefois la cuisine pour deux. Elle aussi avait disparu. Mais pas de mystère. Tout le monde était parti, peu à peu, petit à petit, poussé vers la sortie. En moins d’un an, ces salauds d’IMPACTIMMO avaient réussi à virer les habitants du 12. Ça se passait comment ? Soi-disant en négociant. Avec un peu de fric, très peu par rapport au quartier, mais ça, les pauvres qui habitaient là ne mesuraient pas. Ou avec une place, introuvable en temps normal, dans un foyer logement, pour les plus vieux, ceux qui frôlaient le grabataire. Lui, c’était pas pareil, il avait sauté sur le pognon, même si ça sentait l’arnaque, mais son cœur était fragile. Il avait tout donné à sa fille qui lui avait laissé sa chambre de bonne rue de Turenne. Même avec son étique retraite, il pouvait tenir tranquille jusqu’au sapin.

C’était bizarre. On avait l’impression, tout à coup, de tout savoir et de ne rien apprendre. On n’avait que la vieille Marthe à se mettre sous la dent. Celle des poubelles, qui, elle, pouvait en savoir un peu plus sur Zatopek. Mais elle était partie sans dire où elle allait. Elle pouvait tout aussi bien être retournée en province. Tassée dans une baraque pourrie, dans un bled à vingt kilomètres d’une épicerie. Notre marathonien aussi, d’ailleurs. Courir dans les champs ne serait pas une trop grande punition.

On a encore laissé baver notre ancêtre sur ces fumiers de promoteurs immobiliers, puis on l’a abandonné devant son cinquième Picon bière.

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